Boycott "Les Petites Victoires"

Depuis quelques semaines, se déroule un boycott de l’ouvrage d’Yvon Roy « Les Petites Victoires ». De nombreuses questions m’ont été posées suite à ce boycott à la fois via SEA et personnellement. J’aimerais donc faire un petit commentaire sur ce que les gens appellent « développement intellectuel » ou le fait d’être verbal, ou même le QI.

Tout d’abord voici quelques liens qui vous permettront de comprendre le boycott :

Mes propres fils sur le sujet :

Sur le boycott https://twitter.com/GwennSEA/status/1021407110142353412

Sur ABA https://twitter.com/GwennSEA/status/1021408961273237504

Quelques vidéos :

Sur le boycott https://www.youtube.com/watch?v=ou2ZPCHKBs4&t

Sur le modèle social du handicap https://www.youtube.com/watch?v=ncdV7E2jb00

Quelques articles :

Sur le boycott https://dcaius.fr/blog/2018/07/23/boycottlespetitesvictoires/ et https://semnt.wordpress.com/2018/07/25/les-petites-tortures/

Sur le phénomène de masking https://dcaius.fr/blog/2018/07/24/masking/

Une réponse explicative pour quelques parents https://dcaius.fr/blog/2018/08/01/autism-parents/

 

Les parents

Un des plus gros retours négatifs sur le boycott a été celui de parents d’enfants autistes qui estimaient que nous étions trop durs et jugeant envers Yvon Roy. Puis qui assez rapidement répondaient aux critiques que nous faisions sur la bande dessinée comme si nous les avions adressées à eux personnellement. Je vous passe les « mais moi je » et les « je ne suis pas comme ça ». Mais si vous n’êtes pas comme ça pourquoi réagir ainsi ? Nous critiquons une BD et voila que cette BD se trouve des gardes du corps passionés.

Alors certes, si on imagine que la critique se résume à « il fait des erreurs », il y a de quoi s’énerver. Tout parent fait des erreurs. Mais concernant Les Petites Victoires, le problème est « Il est tout fier de ses erreurs et les vante comme des méthodes valables alors qu’il s’agit de violence et/ou de négligence ». Il ne s’agit plus de la vie privée d’un certain papa depuis que sa BD est publiée. Il s’agit d’un message qui porté et transmis et promu. Au détriment d’autres messages.

Où sont les parents autistes d’enfants autistes ? Où est leur BD, leur film, leur best seller ?

Dans le militantisme autour du handicap, il est courant de se voir silencier au profis de valides qui veulent promouvoir leur vision du handicap, qu’elle soit imaginaire ou basée sur la vie d’un proche. Et pendant ce temps la, des personnes handicapées créatives et talentueuses restent au statut de blogueur, amateur, conférencier bénévole que personne n’aura l’idée de payer au tarif d’un conférencier valide qui fait du coaching bidon (très cher).

Les « vrais » autistes

Tout au long des critiques adressées à notre boycott, il y avait un thème récurrent… Nous n’étions pas « assez » autistes, nous étions de toute évidence assez bavard et éloquents. Ça, c’était l’impression donnée par nos écrits. Mais surprise, on peut écrire mais ne pas pouvoir parler, on peut être très éloquent sur twitter mais avoir le plus grand mal à communiquer devant un public et à se faire comprendre haut et fort.

Et puis il y a eu les suppositions farfelues, qui pourraient se résumer à « contrairement à mon fils/ma fille/mon frère vous êtes autonomes, vous ne portez pas de couche, vous êtes allés à l’école, vous travaillez… »

Oups.

Si je fais le tour des camarades du boycott, je vois exactement 0 salarié à temps plein. Il y a des étudiants, des chômeurs, des gens qui cumulent les mini jobs, des gens sous AAH (Allocation Adulte Handicapé). Notre autonomie ne tient qu’à un fil sans cesse attaqué par le gouvernement.

Le truc des « couches » m’étonne vraiment. Qui a vérifié ? Qui vérifie si son interlocuteur porte une couche ou une sonde urinaire ou une poche ? Vous faites souvent ça ?Non. Vous supposez. Vous partez du principe que votre interlocuteur n’est pas incontinent, n’a pas de problème pour aller aux WC, n’a jamais de fuite parce qu’il est dans une certaine tranche d’âge. Et cette supposition est basée sur le mépris. Qui serait à l’aise à l’idée de dire en public « oui je porte des couches à 20 ans passés » ? Si on met son hypocrisie dans sa poche, on réalise vite que c’est un tabou. Alors attaquer les gens sur ce point est habile, car personne n’a envie de s’en défendre ! Mais ce n’est pas seulement validiste et méprisant, c’est aussi incohérent. À quel moment la validité de mon discour sera t elle impactée par le contrôle que j’aurais ou non sur mes sphincters ? Est ce que mon diagnostique doit être revu autour de ce critère ? Je pense surtout que les gens associent un peu trop les couches à la petite enfance ou à la sénilité. C’est une association d’idée, pas un argument.

Nous ne pouvons pas gagner à ce jeu. Si les vrais autistes sont incapables de parler, alors personne ne les écoute. Mais si nous parlons et/ou écrivons et/ou signons, alors nous ne serions pas vraiment autistes. Pratique, cela laisse 100 % de la parole à des gens pas autistes ou au mieux à quelques Aspergers qui croient pouvoir parler à la place de tous les autres. On range abusivement dans la catégorie « asperger » tout autiste qui s’exprime clairement. Et peu importe si la personne s’effondre une fois chez elle après avoir parlé en public, peu importe les problèmes de dyspraxie ou d’hypersensibilité : tu es aspie, tu as un autisme LÉGER. Comment pas léger à tes yeux ? Allons, tu PARLES BIEN et tu as de BONNES NOTES. Voilà tout ce qui compte. Je vous renvoie à l’article sur le masking indiqué en haut.

Psyvalidisme, les personnages.

TW : stéréotypes sur les autistes et divers troubles psy, déshumanisation

Je crois que je psyvalidisme est parsemé de « personnages » qui remplacent peu à peu les vraies personnes psychiatrisées. Il y a le fou dangereux, le gentil débile, la femme hystérique et le grand psychopathe. Au dela, peu d’espace pour exister. Je vous préviens, le vocabulaire que j’utilise pour décrire ces personnages n’est pas tendre, car il ne s’agit pas de réalité, mais de stéréotypes violents. Je ne qualifierai jamais une vraie personne ainsi.

Les vrais autistes selon le grand public et bien des scénaristes devraient correspondre soit au grand psychopathe, soit au gentil débile. Le premier est une espèce de génie dont il faut se méfier car il n’aurait aucune émotion ou empathie ; le second un grand bébé indigne de votre attention et on doit tout faire à sa place.

Débrouillez vous pour exister dans ce cadre.

Et bien merde, nous ne sommes pas des personnages de film de série B. Nous sommes des personnes complexes, autistes, différentes, ayant grandis dans des cultures différentes et reçu des éducations différentes. Nous avons été scolarisés ou non ; déscolarisés précocément ou poursuivi des études intensives. Nous avons au des parents aimant, ou des tyrans violents. Nous avons un intérêt spécifique très utile en société comme l’informatique ou les mathématiques, ou bien sur des sujets jugés enfantins et intiles comme un jeu vidéo démodé ou les figurines warhammer. Nous sommes d’éternels célibataires, ou en couple fusionnel depuis 10 ans, ou des girouettes. Nous aimons le sexe, ou non, ou par intermitence. Nous sommes difficiles avec la nourriture ou des chefs virtuoses. Nous sommes des êtres humains. Une fois ceci bien intégré, nous devenons immensément plus faciles à comprendre.

Si vous cataloguez une personne autiste comme forcément enfantine et irréfléchie car elle ne vous parle pas et joue avec des cartes pokémon toute la journée, vous allez de vous même bloquer la communication. Nous avons du mal à communiquer, alors si vous vous entêtez à nous cataloguer, nous n’aurons aucune ouverture pour le faire. Si vous cataloguez une personne autiste comme forcément antisociale car vous n’arrivez pas à lire ses émotions ou à lui communiquer les vôtres, vous ne faites que nous blamer pour la totalité de l’échec de la relation.

Soudain, étant autistes, tout problème de communication devrait être à cause de nous. Et bien faites un effort, les autistes communiquent, certains parlent, d’autre pas. Observez et évoluez.

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